Stéphanie Bataille, nouvelle directrice des 3 Pierrots

Culture 13/09/2024

Comédienne, humoriste, metteuse en scène, directrice artistique de maison d’édition, programmatrice et directrice de théâtre, Stéphanie Bataille investit avec ses nombreuses casquettes les 3 Pierrots rénovés, pour une réouverture sous le double signe de l’enthousiasme et de l’exigence.

Une formation éclectique

Femme de théâtre au plein sens du terme, Stéphanie Bataille se définit elle-même comme une « stakhanoviste », et ce, dès ses années de formation : pour rassurer son père, le comédien Étienne Draber (1939-2021), Stéphanie Bataille suit un cursus « sérieux » en histoire de l’art, mais s’inscrit en parallèle au cours Florent, et rejoint comme une évidence la « roulotte », qu’elle ne quittera plus, au gré de rôles et de fonctions divers. 

Très tôt, elle joue à la Comédie française, dans Le Roi s’amuse de Victor Hugo, dans la dernière mise en scène de Jean-Luc Boutté, mais figure à la même époque au générique d’une série policière de TF1, Marc Eliot : son éclectisme sans préjugés lui fait chercher partout des occasions de réfléchir aux grandes questions existentielles sur notre destinée d’êtres mortels. De cette conscience précoce de la précarité essentielle de la vie, naît une volonté de tendre la main à ses contemporains, de les accompagner vers la Beauté, dont Dostoïevski nous assure qu’elle sauvera le monde… 

Sur les planches, on l’a vue dans Les Monologues du vagin d'Ève Ensler, de Paris à la Nouvelle Orléans où elle joua avec Jane Fonda, dans les classiques du boulevard de Barillet et Grédy, Fleur de Cactus aux côtés de Michel Fau et Catherine Frot, et Peau de Vache, avec Chantal Ladesou, et bien sûr dans son seule en scène Les Hommes, mis en scène par Roger Louret. Elle a aussi incarné Peggy Guggenheim dans une mise en scène de Christophe Lidon, et dernièrement, ce rôle si cher à Annie Girardot, Madame Marguerite, mise en scène par Anne Bouvier.

« Prendre soin des gens » 

Aux côtés d’un père esthète qui lui a appris le respect de la nature et du rythme des saisons, Stéphanie Bataille a très tôt pris conscience de la valeur de l’instant dans la fugacité du temps, et compris que la beauté n’existe que par la ruine qui la menace. Sur cette esthétique se fonde une éthique, qui s’exprime dans son attention aux autres, dans sa volonté d’aider : « J’aime la vie, j’aime le théâtre, j’aime surtout les gens ». 

Parallèlement à son engagement théâtral, elle s’implique dans plusieurs associations, contribuant notamment à la création de Ni Putes ni soumises. Après le décès de son père en 2021, mort du covid seul dans un hôpital parisien sans qu’elle ait pu l’accompagner ni même le voir une dernière fois, elle crée l’association Tenir ta main, rassemblant des milliers de familles ayant connu la même séparation, pour que le droit de visite aux malades soit inscrit dans la loi et puisse s’exercer quelles que soient les circonstances, et que l’accompagnement et les rites funéraires soient dignes d’une espèce qui se prétend humaine et civilisée. 

Cette générosité, ce souci des autres, alliés à la hantise de l’inhumanité qui menace nos sociétés, sous-tend la vision du théâtre qui anime Stéphanie Bataille. « À la course aux chiffres, je préfère la course aux mots, pour faire du bien aux gens, les éveiller et les réveiller, en leur faisant redécouvrir des auteurs déjà connus mais surtout en donnant leur chance à de nouveaux auteurs, qui ont beaucoup à dire sur notre présent ».

Le théâtre pour être ensemble

Ayant dirigé le théâtre Antoine pendant de nombreuses années, elle compte faire des 3 Pierrots une véritable « maison », accueillante aux comédiens, aux metteurs en scène qui viendront en résidence, et bien sûr au public : un foyer propice aux échanges informels grâce aux « bords de scène », et alliant nourriture de l’esprit et convivialité. 

À travers une programmation qui reflètera cette ambition d’excellence, Stéphanie Bataille s’attache à donner au théâtre une mission citoyenne, comparable à celle de l’école, dont elle garde le souvenir lumineux de professeurs ayant marqué sa vie : il lui importe que les acteurs puissent s’adresser aux spectateurs, dans une époque de raréfaction des vrais contacts, des rencontres réelles. Dans le nouveau visage des 3 Pierrots, dans la rotondité conservée de sa structure, elle aime à voir un cercle, ou une alliance, qui fait retrouver le sens d’« être ensemble ». 

Au sein d’une équipe jeune et très impliquée, la nouvelle directrice essuie les plâtres avec enthousiasme, fidèle au proverbe africain cher à son père : « Si tu avances, tu meurs, et si tu recules, tu meurs aussi, alors pourquoi n’avances-tu pas ? ». Elle entend avancer, et nous faire avancer, avec respect et intelligence, deux maîtres-mots qui donnent envie de saisir la main tendue, pour participer ensemble à la renaissance des 3 Pierrots, dans la joie des retrouvailles et des nouvelles rencontres.

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